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Par Christophe Bonvin /

Fiscalité immobilière : du commerce PROFESSIONNEL d'immeubles

 

" En pratique, une solution permettant d’éviter totalement ce risque existe : la création d’une personne morale (SA ou Sàrl) par laquelle passent tous les investissements immobiliers du contribuable. "

Toute personne disposant de ressources financières importantes est un jour confrontée à la question suivante : comment investir cette liquidité afin d’obtenir un rendement régulier intéressant et sécuriser par la même occasion sa future retraite ?

Après une optimisation possible de la prévoyance par l’intermédiaire des 2e et 3e piliers, fiscalement avantageuse, la solution d’un investissement dans l’immobilier reste aujourd’hui la principale option choisie par les investisseurs. Si les critères de valorisation et les calculs de rendement d’un bien immobilier sont bien connus des spécialistes en investissement immobilier, un élément fondamental est régulièrement négligé : les conséquences fiscales liées à ce type d’investissement, notamment le risque d’être qualifié par le fisc de commerçant professionnel d’immeubles. Cet article a pour but de présenter ce concept émanant de la jurisprudence ainsi qu’une solution envisageable afin de ne pas être trop ponctionné au niveau fiscal.

PRINCIPES GENERAUX ET CRITERES DETERMINANTS

Les gains obtenus par le contribuable lors de la vente d’immeubles doivent faire l’objet d’une qualification qui déterminera leur mode d’imposition. L’un des critères est l’appartenance du bien vendu soit à la fortune privée du contribuable, soit à la fortune commerciale. Cette qualification réside dans la nature de l’activité déployée par le contribuable. Lorsque son activité peut être qualifiée de professionnelle ou de commerciale, le bénéfice obtenu fait partie du produit de son activité lucrative indépendante et il est soumis à l’impôt sur le revenu et à l’AVS. Si le gain est réalisé dans le cadre de la simple gestion de la fortune privée, il est uniquement soumis à l’impôt cantonal sur les gains immobiliers, ce qui implique une fiscalité généralement plus raisonnable.

La distinction entre l’activité professionnelle du contribuable et la gestion de fortune privée fait l’objet d’une abondante jurisprudence. Pour résumer la jurisprudence du Tribunal fédéral, il y a activité à but lucratif, donc commerce professionnel d’immeubles, lorsque le contribuable procède à des achats et à des ventes d’immeubles non pas simplement dans l’administration de sa fortune ou en profitant d’une occasion qui s’est présentée fortuitement à lui, mais systématiquement, et avec l’intention d’obtenir un gain. Il n’est pas nécessaire qu’il exerce cette activité à titre principal; il peut aussi la pratiquer accessoirement. Le caractère professionnel peut résulter, d’une part de la fréquence des achats et des ventes, d’autre part, s’agissant d’opérations isolées, du fait qu’elles sont étroitement liées à la profession, aux connaissances techniques et au réseau de l’intéressé. Au fur et à mesure des affaires qu’il a eu à juger, le Tribunal fédéral a précisé la notion d’activité professionnelle. Ainsi, certains indices permettent à l’autorité fiscale de considérer que l’opération immobilière a été réalisée dans le cadre de l’activité professionnelle du contribuable, soit :

■ le caractère systématique des opérations ;
■ la relation avec la profession du contribuable ;
■ la participation à une société de personnes, un consortium ;
■ le financement par des fonds étrangers importants ;
■ le réinvestissement des bénéfices réalisés ;
■ la mise en valeur de l’immeuble ;
■ la courte durée de possession du bien immobilier ;
■ l’intention d’obtenir un gain.

La qualification fiscale n’est pas simple juridiquement : chaque cas de figure doit être analysé pour lui-même au regard des critères susmentionnés. Parfois, un seul indice peut qualifier l’intégralité de l’opération immobilière de professionnelle.

CONSEQUENCES FISCALES D'UNE VENTE D'IMMEUBLE EN FORTUNE PRIVEE

Les bénéfices réalisés par des particuliers lors de la vente d’immeubles faisant partie de leur fortune privée sont exonérés de l’impôt sur le revenu. Les gains immobiliers ne sont donc pas taxés comme revenus dans la déclaration fiscale ordinaire du contribuable, mais séparément sur le plan cantonal à l’impôt spécial sur les gains immobiliers. Les barèmes d’impôt sur les gains immobiliers varient d’un canton à l’autre. Les taux sont généralement dégressifs : plus la durée de possession est élevée, plus le taux de l’impôt diminue. Dans le canton du Valais, le barème contient de surcroît trois paliers d’imposition différents en fonction du montant du bénéfice réalisé.

Exemple 1 – Imposition à l’impôt cantonal sur les gains immobiliers (Valais)

Monsieur X est célibataire, sans enfants et domicilié à Martigny. Il a acquis un petit immeuble de rendement en 2008 à Martigny pour 1 500 000 francs. En 2017, il le revend pour la somme de 1 750 000 francs et réalise donc un bénéfice de 250 000 francs. Dans cet exemple, il n’est pas considéré comme commerçant professionnel d’immeubles.

Calcul de l’impôt (selon barème VS, 10 ans de possession) :

  • 1re tranche de 50 000 francs imposable à 10,08 % 5040.–
  • 2e tranche de 50 000 francs imposable à 15,12 % 7560.–
  • 3e tranche de 150 000 francs imposable à 20,16 % 30 240.-

Total impôt cantonal sur les gains immobiliers 42 840.-

Au total, Monsieur X paiera donc un impôt de 42 840 francs, soit le 17 % de son bénéfice immobilier de 250 000 francs. Aucun franc d’impôt supplémentaire ne sera payé par Monsieur X dans le cadre de sa déclaration d’impôt ordinaire 2017.

CONSEQUENCES FISCALES D'UNE VENTE D'IMMEUBLE EN FORTUNE COMMERCIALE

Si les autorités fiscales qualifient le particulier de professionnel de l’immobilier selon les critères jurisprudentiels abordés plus haut, l’imposition selon les gains immobiliers n’est plus possible. Par conséquent, le bénéfice immobilier est considéré comme un produit de l’activité lucrative indépendante et donc soumis à l’impôt sur le revenu dans le cadre de la procédure d’imposition ordinaire. Etant donné que ce bénéfice d’indépendant s’ajoute aux autres éléments de revenus (salaire, rentes, pensions, rendements de la fortune, etc.) du contribuable et que le taux d’impôt du revenu des personnes physiques est progressif, cela implique généralement une facture d’impôts élevée. De plus, l’activité immobilière étant qualifiée d’indépendante, la personne devra encore s’acquitter des cotisations AVS (9,65 % du bénéfice d’indépendant) et des cotisations pour les allocations familiales (environ 1,7 % du bénéfice). Dans la pratique, en cumulant les impôts directs et les charges sociales, on peut parfois se retrouver avec une facture fiscale totale de plus de 50 % du bénéfice immobilier.

Exemple 2 – Imposition en tant que revenu d’activité indépendante

Monsieur X est célibataire, sans enfants et domicilié à Martigny. Il a acquis un petit immeuble de rendement en 2008 à Martigny pour 1 500 000 francs. En 2017, il le revend pour la somme de 1 750 000 francs et réalise donc un béné-fice de 250 000 francs. Dans cet exemple, il est considéré comme commerçant professionnel d’immeubles. Hypothèse : hors gain immobilier, Monsieur X paie en moyenne un impôt sur le revenu de 21 %, correspondant à un revenu imposable d’environ 100 000 francs.

Calcul de l’impôt (simplifié) :

  • Impôt sur le revenu lié au gain immobilier (250 000 francs à 35 %) 87 500.–
  • Cotisations AVS 9,65 % et allocations familiales 1,7 % 28 375.–

Total impôt sur le revenu et charges sociales 115 875.–

Au total, Monsieur X paiera donc un impôt et des charges sociales de 115 875 francs, soit le 46 % de son bénéfice immobilier de 250 000 francs et donc près de trois fois plus que dans l’exemple 1. Ce mode d’imposition est particulièrement lourd, car le taux d’imposition global de tous les revenus de Monsieur X explose en passant de 21 % (revenu imposable 100 000 francs) à 35 % (revenu imposable de 350 000 francs en intégrant le bénéfice immobilier).

COMMENT EVITER LA QUALIFICATION FISCALE DE COMMERCANT PROFESSIONNEL D'IMMEUBLES ?

Bien que simplifiés, les deux exemples ci-avant permettent de concrètement mettre en lumière les enjeux fiscaux qui sont liés aux transactions immobilières faites par des particuliers. La détermination des modes d’imposition, qui peuvent parfois impliquer une fiscalité passant du simple au triple, ne tient parfois pas à grand-chose et il n’est pas rare que les avis du fisc et du contribuable soient différents. En effet, les critères permettant de qualifier la fortune du contribuable de privée ou commerciale ne sont que des indices de jurisprudence et chaque cas doit être analysé dans son propre contexte, ce qui crée une certaine insécurité juridique. En effet, même en étant prudent et en essayant de limiter au maximum les critères liés au commerce professionnel d’immeubles, rien n’exclut que le fisc ou, en cas de litige, la justice, ne considère un particulier comme professionnel de l’immobilier. Par conséquent, lorsqu’un particulier souhaite intensifier ses investissements dans l’immobilier (plusieurs transactions, achat avec reventes) ou lorsque ce dernier détient des compétences spécifiques liées à ce secteur de manière directe ou indirecte (architecte, banquier, gérant d’immeubles), il est conseillé de ne pas effectuer d’opérations immobilières en nom propre. Le risque d’être qualifié de professionnel et de subir une charge fiscale conséquente est en effet trop grand. En pratique, une solution permettant d’éviter totalement ce risque existe : la création d’une personne morale (SA ou Sàrl) par laquelle passent tous les investissements immobiliers du contribuable. La société étant juridiquement et fiscalement autonome, tous les bénéfices immobiliers sont imposés directement au sein de la personne morale avec des taux d’imposition qui sont compétitifs dans le canton du Valais, de l’ordre de 15 à 20 % en moyenne. Cela signifie que ce n’est plus le particulier qui achète, vend et fait du bénéfice sur les immeubles, mais la société immobilière que ce dernier détient. D’autres avantages découlent de cette variante, comme la possibilité d’effectuer des amortissements comptables, des provisions ou encore de comptabiliser l’intégralité des charges immobilières en déduction du bénéfice imposable de la personne morale. De plus, cette solution permet d’éviter le paiement des charges sociales tant que la société ne verse pas de salaire. Enfin, le bénéfice généré dans la société immobilière peut être directement réinvesti pour de nouvelles acquisitions ou de nouveaux projets sans que le propriétaire de la société ne soit imposé personnellement.

CONCLUSION

En Suisse, l’investisseur qui souhaite développer son patrimoine immobilier en nom propre dans une mesure qui dépasse le cadre de la simple gestion de sa fortune est rapidement confronté aux principes de la jurisprudence du Tribunal fédéral et risque d’être considéré par les autorités fiscales comme un commerçant professionnel d’immeubles, avec pour conséquence un impact fiscal élevé, voire presque confiscatoire dans certains cas (plus de 50 % impôts et charges sociales compris). Par conséquent, il semble judicieux, dans les cas où l’activité immobilière d’un individu dépasse la norme, de choisir la fiscalisation des bénéfices immobiliers par l’intermédiaire de la création d’une personne morale. Par ce biais, la question du professionnel de l’immobilier indépendant ne se pose plus, le sujet fiscal étant désormais la société détenue par le contribuable, avec tous les avantages que cela comporte. En conclusion, si vous planifiez des investissements immobiliers récurrents, anticipez dès que possible les aspects fiscaux et juridiques de ces opérations et créez une SA ou une Sàrl afin d’optimiser vos rendements par des économies fiscales !


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