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Par Christophe Bonvin /

OPTIMISEZ votre bénéfice avec les réserves latentes

 

" Le principe de prudence autorise ces réserves dans le but de thésauriser les bénéfices lors des bonnes années afin de pouvoir si besoin les faire ressortir afin de compenser les pertes futures éventuelles.  "

 

En Suisse, le Code des Obligations (CO) prévoit les règles fondamentales à observer lors de la présentation des comptes des entreprises. Les principes les plus importants sont le principe de prudence, de continuité de l’exploitation, de délimitation périodique, de régularité, de clarté, d’intégralité, de fiabilité, de permanence des méthodes de présentation et d’évaluation, d’interdiction de compensation. Parmi cette liste, le principe de prudence ressort clairement comme le principe le plus fondamental de tous. Ce dernier représente en quelque sorte la philosophie générale de la tenue de la comptabilité dans notre pays. Le principe de prudence a la particularité de permettre la création et la dissolution de réserves latentes dans les comptes. Le présent article a pour but d’expliquer comment fonctionnent les réserves latentes et dans quelle mesure elles peuvent être utilisées à des fins d’optimisation du bénéfice dans les entreprises.

Définition des réserves latentes

Une réserve latente est une thésaurisation de bénéfice résultant de la sous-évaluation d’un actif ou de la surévaluation d’un passif par la prise en compte d’une charge comptable supérieure à la charge effective. Une telle réserve représente des fonds propres dissimulés. On l’appelle latente, car elle n’est pas perceptible par les personnes externes à l’entreprise. Seuls les dirigeants en ont connaissance en interne. Les réserves latentes permettent en réalité un nivellement des bénéfices et des dividendes conformément aux souhaits de la direction de l’entreprise. Il est donc possible de mettre de côté des bénéfices durant les années prospères (diminution du bénéfice imposable) afin de compenser les déficits durant les années plus maigres (augmentation du bénéfice imposable).

Dans la législation suisse, les réserves latentes se justifient par le principe de prudence (art. 958c CO). Si l’entreprise dissout davantage de réserves latentes qu’elle n’en constitue, la dissolution nette doit être mentionnée dans l’annexe aux comptes annuels, étant donné que le résultat publié est ainsi présenté de manière plus favorable que la réalité. A noter qu’à l’inverse de la Suisse, les réserves latentes sont interdites par les normes comptables internationales.

Comptes externes / comptes internes

L’utilisation des réserves latentes implique une distinction entre les comptes externes et les comptes internes :

Comptes externes : ils sont destinés aux tiers (actionnaires, banques, fisc) et sont établis selon le CO et donc selon le principe de prudence; ces comptes contiennent des réserves latentes et font donc apparaître une situation de l’entreprise qui est moins favorable que la réalité.

Comptes internes : ils sont établis pour servir de base de décision et d’instrument de contrôle pour la direction de l’entreprise; ces comptes ne contiennent pas de réserves latentes et reflètent donc les valeurs réelles de l’entreprise.

Par conséquent, la différence entre les comptes externes et les comptes internes est intégralement due aux seules réserves latentes.

Exemple pratique

Dans cet exemple (tableau ci-dessous), des réserves latentes d’un tiers, soit 120, ont été constituées sur les stocks de marchandises. Dans le bilan externe, le stock figure donc pour un montant de 240 alors qu’en réalité la valeur d’inventaire est de 360 dans le bilan interne. A noter que des réserves latentes sur le stock de marchandises jusqu’à concurrence d’un tiers de la valeur d’inventaire sont généralement tolérées par le fisc. Il est donc autorisé d’adapter le montant de la réserve latente chaque année en fonction du bénéfice souhaité (adaptation entre 0 et 120 dans notre exemple). La constitution de réserves latentes a pour effet de diminuer le résultat publié par rapport au résultat interne. Dans cette illustration, le bénéfice réel de 150 a été diminué à seulement 30 grâce à la constitution d’un montant de 120 de réserves latentes. Dans le compte de résultat externe, les charges de marchandises passent en effet de 1380 à 1500, ce qui diminue le bénéfice de 120. Une baisse du bénéfice imposable signifie pour l’entreprise une diminution concrète de ses impôts.



De manière générale, la sous-évaluation des actifs peut également provenir d’un amortissement excessif ou d’une augmentation de la valeur réelle d’un actif par rapport à sa valeur comptable. La surévaluation des passifs a généralement lieu par la constitution de provisions excessives ou la non-comptabilisation d’un produit ou de sa comptabilisation à une valeur inférieure.

A l’inverse, la dissolution de réserves latentes a pour effet d’améliorer le résultat publié par rapport au résultat interne. Cette dissolution se fait par une réévaluation des actifs ou une réduction de la valeur des passifs. La réserve de 120 constituée dans cet exemple sur les stocks permettra, si une perte devait survenir dans les années futures, de compenser ou d’atténuer cette dernière. Il serait, par exemple, possible de passer l’année suivante d’une perte de 50 selon les comptes internes à un bénéfice de 70 selon les comptes externes par dissolution de cette réserve latente de 120.

Conclusion

Contrairement à toutes les normes comptables internationales, le Code des Obligations permet aux entreprises suisses d’intégrer dans leurs comptes annuels des réserves latentes. En effet, le principe de prudence autorise ces réserves dans le but de thésauriser les bénéfices lors des bonnes années afin de pouvoir si besoin les faire ressortir afin de compenser les pertes futures éventuelles. A noter que ce fameux principe de prudence a été confirmé dans la loi lors de la dernière révision du droit comptable en 2015. Sachant que les réserves latentes influencent le résultat publié et donc transmis à l’administration fiscale, les chefs d’entreprises ont une grande marge de manœuvre pour optimiser leur fiscalité. Pour les sociétés valaisannes, il s’agira plus concrètement de faire en sorte que les réserves latentes lissent le bénéfice annuel à hauteur de moins de 150000 francs en moyenne, ce qui leur permettra de conserver une imposition au taux très favorable du premier palier. En résumé, pour optimiser sa fiscalité, il faut maîtriser l’impact des réserves latentes !

Avez-vous des questions? Souhaitez-vous réagir à cet article ? Adressez un courriel à Christophe Bonvin à l’adresse suivante : cb@bonvin-fiduciaire.ch.


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